En France, en tout cas, le sentiment d'insécurité croissant est si fort dans l'opinion publique que la      sécurité est devenue le thème universellement repris de tous les candidats aux campagnes électorales

Or, que proposent tout aussi universellement ces candidats? « Davantage de moyens », plus de      policiers, plus d'auxiliaires (« policiers municipaux » et militaires), plus de prisons, plus de programmes de réhabilitations, plus de campagnes de prévention. Voilà encore et      toujours cette superstition matérialiste que l'argent est la solution magique à tous les problèmes! Voilà ce conte pour enfant attardés, l'État Providence, qui ne considère jamais de cet argent      « public » que les effets visibles qu'il a en tant que dépense « publique » forcée, et refuse de considérer les effets invisibles que le même argent est empêché d'avoir en      tant que dépenses privées à la fois diminuées par les recettes publiques et prohibées par les monopoles et réglementations. Voilà ce mythe aveugle du recours au pouvoir politique comme      « solution » gratuite et universelle à tous les problèmes, qui néglige les coûts de la compulsion, les coûts du consensus censé guider cette compulsion, les coûts de      l'irresponsabilité qu'elle érige en système.

Et si, en matière de sécurité comme ailleurs, les dépenses publiques, la police nationale faisaient partie du      problème et non pas de la solution ? Et si l'augmentation continuelle des fonds consacrés à la répression et à l'oppression ne menait qu'à l'augmentation de la criminalité ? Et si les problèmes      de la police nationale, son coût, son inefficacité, ses bavures, sa corruption, étaient des problèmes intrinsèques; liés au monopole de la police lui-même ? C'est la thèse que nous allons      défendre. 


                La faillite de la police      nationale

 

Nul ne remet jamais en doute dans les mass-médias le caractère sacro-saint du monopole de l'État sur la        sécurité des individus. Devant chaque affaire criminelle qui défraie la chronique, c'est l'extension de la police nationale, sa taille, ses pouvoirs, que réclament les publicistes,        qu'envisagent les politiciens. Chaque candidat en campagne se plaît à dire comment il va étendre tel service, en créer un nouveau, en redéployer un autre, faire patrouiller des auxiliaires        accompagnés d'officiers tamponnés, etc.

Or, pour un authentique libéral, la recherche pour tout problème nouveau d'une solution dans l'élargissement        continuel des pouvoirs d'un État auquel on voue une confiance aveugle, ces pouvoirs spéciaux conférés à un monopole de la police et le déni croissant du droit à l'auto-défense des citoyens,        tout cela constitue la cause même du problème. Et c'est bien l'accroissement de cette cause que tous les hommes politiques proposent comme solution — phénomène remarquablement décrit dès 1806        par Benjamin Constant dans ses Principes de Politique.

Si on recoupe les faits d'actualité, plutôt que de lire les discours de propagande des publicistes, on voit        que le constat est accablant à l'encontre de la police nationale: ses bavures, ses violences, son racisme, sa partialité, ses détentions abusives et abusivement prolongées en garde-à-vue, les        mauvais traitements qu'elle fait subir aux innocents présumés; le manque de moyens des policiers, leur démoralisation, voire leur corruption quand ils sont dégoûtés du système, leur absence        là où le besoin se fait sentir, leur présence massive pour protéger certains intérêts privilégiés, les lois qui entravent le fonctionnement de l'administration policière quand il s'agit de        s'attaquer au banditisme politique ou mafieux, le laxisme judiciaire qui rend inutiles tous les travaux policiers en relâchant dans la nature des coupables identifiés mais impunis,        etc.

La conclusion s'impose en effet : le problème n'est pas un manque de moyen — c'est le système lui-même qui        est pourri (1). Injecter plus de moyens dans un système qui mène à tous ces échecs, ne fera qu'amplifier le désastre. À tout le moins, il faut        reconsidérer ce système, et comparer ce que donnerait l'abolition du monopole de la police

La solution niée: une police privée

Il est de bon ton de justifier l'intervention de l'État ici et là par une prétendue « faillite du        marché »: le marché (c'est à dire les individus libres d'agir selon leurs buts) serait dans l'incapacité de fournir des services voulus par les individus, et l'État (c'est à dire les        individus forcés d'agir selon les buts des hommes politiques) devrait pallier ce manque cruel universellement ressenti.(2)

Dans le cas de la police, cela se traduit par ce spectre que font planer les politiciens de        l'« anarchie » (3) qui régnerait si on supprimait la police nationale — alors qu'il s'agit de ne supprimer que le caractère        « national » de la police, et non pas la police elle-même, qui serait privatisée, ou plutôt, libéralisée. Or, dans le cas de la police plus que dans nul autre, il est        patent que s'il n'y a aucune offre sur le marché libre, c'est au contraire parce que l'État empêche de toutes ses forces l'émergence d'un tel marché.

Toutes les tentatives privées pour suppléer aux manquements de la police sont sévèrement réprimées: les        citoyens honnêtes qui défendent eux-mêmes et par les armes leur fond de commerce sont systématiquement condamnés à de lourdes peines de prison . Les milices sont interdites, et les candidats        à leur organisation risquent plus sûrement d'aller en prison et pour longtemps que les malfrats contre lesquels ils voudraient se défendre. C'est à peine si on tolère que des entreprises de        sécurité louent des gardes privés, à condition que ceux-ci soient encadrés de près par la police gouvernementale.

Ainsi l'État fait tout pour préserver son monopole, quitte à combattre bien plus férocement les citoyens        honnêtes qui voudraient lui faire concurrence que les criminels qu'il est censé écarter. C'est pourquoi il est impossible de voir dans l'absence de polices privées une « faillite du        marché ». Au contraire, le fait que des citoyens votent en faveur de polices municipales dans des élections locales prouve que les mêmes citoyens seraient prêts à mettre l'argent        équivalent au supplément d'impôt local correspondant dans une police privée qui patrouillerait en bas de chez eux.

Une police privée: le meilleur service public, grâce à la liberté des          consommateurs

Il est de bon ton, chez certains « intellectuels », de dire du mal des vigiles et autres gardes        privés, comme d'ailleurs de tout ce qui est « commercial », ou « marchand » — en fait, de tout ce qui le résultat du libre arrangement des individus. Mais quelle        différence y a-t-il entre un vigile privé et un policier? Certainement pas la transaction monétaire: les policiers étatiques ne travaillent pas pour du vent, mais bien pour de l'argent et des        avantages divers (impunité, retraite), avec des ressources qui sont fournies par les citoyens, via les impôts. La différence entre un policier privé et une policier public, c'est que le        premier défend vos intérêts, qu'il est présent à l'endroit et au moment où vous en avez besoin, et se recrute aux conditions        que vous négociez; alors que le second défend l'intérêt des politiquement puissants, est présent là où les puissants le veulent pour faire ce qu'ils veulent, aux conditions        qu'ils veulent, sans que vous ayiez rien à dire.

Il n'est donc pas surprenant que ceux qui peuvent se permettre de payer à la fois (par voie d'impôt, forcée)        la police publique et (par voie directe, volontaire) une police privée fasse davantage confiance à la seconde pour assurer directement la sécurité de leurs biens et personnes. Les policiers        publics ne sont pas tenus d'être là où on a besoin d'eux, quand on a besoin d'eux. Les policiers privés, si.

En matière de police comme ailleurs, le service privé est le meilleur service public. Car sur un marché de        services privé soumis à la libre concurrence, le client est roi. Chacun achète exactement ce qu'il veut, et en a pour son argent, ou va chercher un autre fournisseur. Les individus,        responsables de leur propre sécurité, et libres de s'adresser au fournisseur de leur choix, pourront dépenser exactement les sommes qu'ils sont prêts à dépenser pour avoir exactement la        protection qu'ils désirent.

Pour les opérations de police comme pour tout autre service, le public est mieux servi par un marché privé        soumis à la libre concurrence, c'est à dire à la liberté de choix des consommateurs, que par un monopole public soumis à une administration technocratique dirigée par des politiciens        démagogiques. Or, la condition sine qua non pour qu'un tel libre marché existe est que l'on reconnaisse le droit individuel à choisir ses moyens d'auto-défense, et donc le        droit de porter les armes soi-même et d'en déléguer l'usage aux personnes de son choix.

D'ailleurs, cette responsabilisation des consommateurs permet non seulement d'apporter leur satisfaction,        mais aussi d'en finir avec les gaspillages quand on dépensait trop ou mal, d'en finir avec les agressions quand on dépensait trop peu, d'en finir avec les zones de non-droit désertées par la        police nationale, d'en finir avec la protection des privilégiés sur le dos des opprimés, d'en finir avec les vaines querelles politiques et autres lobbies qui dissipaient l'argent et        l'énergie de tous au profit de politiques douteuses, de politiciens corrompus, et de leurs courtisans corrupteurs ou parasites.

Une police privée: la garantie du respect des droits, par la          responsabilité des fournisseurs

Un autre atout incomparable du marché libre sur le monopole public est que le fournisseur privé est        responsable de ses actes: toute violation des droits par les policiers sera passible de réparations judiciaires. Ces réparations n'empêcheront pas le fonctionnement de polices privées justes        et efficaces, augmentant seulement leurs frais d'assurance; mais elles permettront de mettre un terme rapide à toutes compagnies privées utilisant trop souvent des méthodes attentatoires aux        libertés, tout en dédommageant leurs victimes.

Avec le monopole public, les policiers sont des fonctionnaires irresponsables vis-à-vis des victimes de        leurs actes; qu'ils tabassent un prévenu, qu'ils tuent un innocent par « bavure », qu'ils se livrent à diverses malversations, ou qu'ils négligent leurs devoirs envers ceux qu'ils        sont censés protéger, au pire, ils risquent une sanction administrative (4): quand il s'agit de juger ses propres manquements, l'administration est        juge et partie, et préfère « laver son linge sale en famille ». Quant aux victimes, elles n'ont pas leur mot à dire. Avec une police privée, au contraire, chaque policier étant        responsable, il n'y aura pas de bavure impunie, pas de malversations couvertes par une administration opaque, pas de violation des droits d'autrui, pas plus que de rupture unilatérale de        contrat avec les employeurs.

Cette responsabilité, qui peut paraître un frein au travail des policiers, n'est un frein qu'à l'arbitraire,        à l'injustice, à tout ce qui est mauvais et dangereux dans l'existence d'une police — à tout ce qui fait le danger d'un État Policier. Elle est aussi un encouragement à l'émergence de polices        intégrées à la population, de polices d'appoint, de milices responsables, et de forces de l'ordre dans tous les endroits délaissés et les interstices qu'une administration irresponsable ne        pourra jamais combler. Quel meilleur garant de l'ordre public que l'égalité de tous devant le droit d'user de façon responsable de la force à fin de police?

Une police privée: la fin des zones de non-droit

Il est bien connu que la police nationale abandonne de nombreux quartiers, où elle est tellement impopulaire        qu'elle ne peut pas mettre les pieds. Ce qui ne l'empêche pas d'arrêter manu militari toute personne qui voudrait la remplacer dans lesdits quartiers — assurant ainsi la        domination des criminels sur des citoyens désarmés.

Une police privée elle, ne peut pas se livrer à la moindre injustice; elle ne saurait par de telles        injustices systématiques soulever le ressentiment d'une quelconque minorité contre l'ordre public en général. Avec la liberté d'établir des polices privées, les quartiers actuellement        difficiles ne seront plus en situation de dépendance vis-à-vis d'une police absente et étrangère à leurs intérêts, mais pourront autogérer leur propre sécurité. Bien loin qu'il y ait des        zones de non-droit où une jeunesse « exclue » affronterait un ordre établi exogène, il n'y aurait partout que des zones de droit, droit basé sur l'engagement direct, libre et        responsable des propriétaires, des habitants, et de leurs assureurs. Ce seraient leurs propres parents, par police privée interposée ou pas, que les jeunes affronteraient, s'ils voulaient        affronter l'ordre. Il n'y aurait plus de jeunes unis dans un « nous contre le système » — il n'y aurait que le calme, et une éventuelle poignée de voyous bien définis s'en prenant à        des victimes bien définies, dont les cas seraient facilement réglés par la police locale.

Polices privées: la fin de l'extraterritorialité des          criminels

La juridiction d'une police privée, c'est le respect des droits de propriété de ses clients — ni plus, ni        moins. Peu importe que les agresseurs viennent de l'appartement du dessus, de l'immeuble d'en face, du quartier d'à côté, d'une ville proche, ou d'un pays lointain. Chacun peut se défendre,        par soi-même ou par police interposée, contre tout agresseur, et aller lui demander des comptes où qu'il se cache. Et ce faisant, chacun est responsable de réparer tout tort causé à des tiers        innocents ou des accusés n'étant pas reconnus coupables par une cour de justice indépendante.

Ceci implique qu'il n'y aura plus les problèmes de défaut de juridiction auquel fait fasse la police de        monopole territorial. Si un agresseur sort de la ville de ses victimes, si des groupes d'agresseurs de villes différentes s'organisent pour se renseigner l'un l'autre sur les victimes        potentielles de leurs villes respectives, si un notable contrôle la police locale, si un gang se regroupe au sein d'une ville dont il serait la police, cela n'empêchera pas une police privée        de faire régner l'ordre et la justice. Ainsi, toutes ces situations de violation patente du Droit que sanctionne le monopole de la police disparaîtraient si le marché de la police était        libre.

La majorité, constituée de citoyens honnêtes (5), aura toujours        intérêt à soutenir l'ordre contre les potentats locaux. Les polices privées et compagnies d'assurances, attachées non pas à un territoire, mais à la satisfaction de leurs clients, ont un        intérêt direct dans l'éradication des activités de banditisme, et sont tout à fait adaptées à lutter contre cette forme de banditisme organisé. Un potentat coupable, une cité de malfrats,        aurait beau mettre une police locale au service de criminels, il tomberait vite sous les coups de l'armée privée réunie de leurs victimes et des citoyens concernés des communes voisines et de        leurs compagnies d'assurances, pouvant concentrer momentanément leurs moyens à l'échelle nationale ou internationale. Il est d'ailleurs plus facile de donner un assaut coordonné contre un        ennemi localisé que contre des réseaux éclatés, et de telles opérations de police reviendraient moins cher que l'éradication malfrat par malfrat d'une activité criminelle équivalente, tout en        conférant aux polices privées qui les mèneraient un bénéfice considérable d'image de marque. Les polices privées rivaliseront donc pour remporter le très rentable marché d'une telle        éradication.

Ainsi, l'idée d'une enclave territoriale criminelle échappant au droit et opprimant la population locale ou        nourrissant le crime dans les communes voisines est une chimère dans un monde où la police est privée (6). Les polices privées sont capables de        réduire toute forme de crime organisé, dès lors que les victimes et les coupables sont identifiés, combien puissants ces coupables pourraient-ils paraître. Plus généralement, pour la        réduction de leurs coûts autant que pour leur image de marque, les polices privées auront toujours intérêt à coopérer sur toute affaire où les crimes sont démontrés, et à s'empêcher        mutuellement de nuire sur toute affaire où ils ne le seraient pas. La liberté d'organiser sa propre auto-défense est donc la garantie de polices efficaces, collaborant dans l'intérêt des        citoyens, et se tenant mutuellement en respect quand cet intérêt est menacé.

Polices privées: l'émulation de la concurrence dans la lutte contre le          crime

La police monopolistique n'a pas pour critère de survie la satisfaction de la population. Ses fonctionnaires        sont inamovibles; un service existant survivra indéfiniment même s'il n'arrête aucun criminel, même s'il ne contribue aucunement à la sécurité des citoyens, voire ne participe qu'à leur        oppression, même si ses actions sont systématiquement des échecs, même si son budget dépasse largement les bénéfices réels de son action, etc.

La police privée dans un marché libre, au contraire, voit son existence directement liée à la qualité de son        travail, de par le jeu même de la concurrence (c'est à dire de la liberté des consommateurs). La qualité du travail des polices privées contre le crime organisé est directement liée au fait        qu'il y ait libre concurrence entre des polices dépendantes de la clientèle volontaire des citoyens honnêtes et de leurs regroupements en communes, mutuelles, assurances, associations        régionales ou nationales, réassurances, etc. Si une police privée n'est pas assez efficace, elle perd ses clients. Si elle abuse de ses clients ou de tierces personnes, elle se fait elle-même        attaquer en justice, perd de l'argent, devient plus chère, perd le soutient de ses clients, etc., et disparaît dans la banqueroute à moins de se ressaisir promptement. Si elle devient        elle-même criminelle, elle se fait poursuivre par ses victimes et détruire par ses concurrentes. Avec la liberté, le gagnant est le citoyen honnête, consommateur de sécurité à prix        compétitifs.

Les polices privées ont donc une forte incitation à la fois à coopérer ensemble, dans le cadre d'accords de        mutualité, et à rivaliser d'efficacité contre le crime. Dans cette émulation, les policiers eux-mêmes sont gagnants, car la concurrence vaut aussi pour les polices en tant qu'employeurs! Les        policiers consciencieux et efficaces pourront toujours trouver un cadre de travail agréable, professionnel, correctement payé, où ils pourront épanouir leurs talents, leur passion. Ils ne        seront plus jamais enfermés dans une routine abrutissante, dans un univers kafkaïen qui les opprime, dans un système inefficace qui les décourage, dans des compromissions qui leur font perdre        le sens du bien et du mal, dans un cadre de lois iniques qui les mettent trop souvent au service du Mal lui-même.

Une police privée: la garantie que tous seront protégés

Les partisans du monopole font valoir la police nationale comme l'ultime recours pour les déshérités qui        seraient sinon sans défense. Les simples faits d'actualité leur donnent constamment tort. Quand les pauvres sont victimes d'agressions, quand se développe la criminalité dans les quartiers        défavorisés, la police nationale est absente; au contraire, elle vient épauler les amis du pouvoir à grands renforts de CRS. Or, les pauvres ne paient en proportion pas moins d'impôt que les        autres. S'ils étaient libres de choisir leur police, ils ne choisiraient pas cette police nationale qui ne les défend pas. Ou, quitte à ne pas être défendus, ils économiseraient ce qu'ils        paient d'impôts, et seraient moins pauvres.

On peut aller plus loin: un pauvre armé est une victime difficile et peu rentable; un pauvre désarmé est une        victime facile et rentable. En prohibant l'autodéfense, en poursuivant systématiquement ceux qui se dressent contre l'agression, en instaurant et préservant son monopole, c'est avant tout aux        plus démunis que nuit la police nationale. L'État désarme le pauvre de la main gauche, et se présente comme son sauveur de la main droite; mais si on compare ce que prend la main gauche à ce        que donne la main droite, on s'aperçoit bien vite que l'État n'est pas l'ami des pauvres.

Avec une police nationale, la protection est un bien privé et un coût public — il n'est pas étonnant qu'elle        sera la convoitise de divers lobbies, qui obtiendront d'être protégés aux frais des autres. Avec une police privée, la protection est un bien public et un coût privé: chacun sera responsable        de sa propre défense, qui sera donc plus efficace; et cette efficacité conjuguée partout et par tous, en décourageant les criminels, a des retombées positives même sur ceux qui sont trop        démunis pour se protéger. Ainsi, les plus riches ont le plus à perdre dans un meurtre, un viol, une agression physique — ils paieront donc davantage pour éliminer le fléau contagieux de la        violence criminelle, partout où elle se trouve.

Enfin, une justice rétributive où les agresseurs seraient condamnés non seulement à dédommager les victimes        mais aussi à payer les frais de justice et de police, rendrait tout à fait rentable la défense de ceux-là même qui ne seraient pas capables d'avancer a priori les frais de        leur propre défense. Les plus démunis auraient une base financière solide pour emprunter de quoi couvrir leurs frais, quitte à céder une partie de leurs droits à un avocat ou autre        entrepreneur spécialisé dans la défense des pauvres et capable de couvrir ces frais dans le cas où l'affaire ne serait pas gagnée ou celui où le coupable ne serait pas solvable.

La police privée, et dans son cas particulier le plus simple, l'autodéfense, sont donc encore une fois les        meilleurs garants de la sécurité de tous, y compris les plus démunis. Et si une majorité de français était prête à consentir un effort financier en faveur de ces plus démunis, ce n'est pas la        liberté de s'associer qui les empêcherait. Le monopole ne peut que les forcer à payer tantôt trop, tantôt trop peu, toujours mal.

Le monopole de la police: source de tous les rackets politiques

Le dernier argument fallacieux de l'argumentation étatiste est qu'un État serait nécessaire pour protéger        les individus contre une police privée qui pourrait obtenir un monopole mafieux. Bizarre paradoxe par lequel on justifie un monopole sûr et certain dans l'espoir d'éviter un monopole        hypothétique qui dans le pire des cas ne donnerait rien d'autre que la « solution » proposée. C'est là la théorie dite du « monopole naturel »: prévenir l'incertitude du        mal par la certitude du pire!

L'histoire autant que la théorie confirme que la libre concurrence de droit mène toujours à la disparition        des monopoles de fait (7). Les seuls monopoles qui ont jamais duré, ce sont ceux qui ont fait appel à l'État, sous forme de chartes, licences,        patentes, brevets, copyrights, privilèges, subventions, contrôles administratifs, habilitations, règlements et autres barrières à l'entrée des concurrents: des monopoles de droit. Ainsi,        l'État est la source même des monopoles auxquels il prétend remédier. On agite l'épouvantail de l'hypothétique renard-criminel qui menacerait les poules-citoyens, et pour remédier à cette        menace, on instaure un bien certain le fermier-État qui exploitera les poules-citoyens, les enferme dans un poulailler-prison faite de grillages-« lois », et les dépouille de leurs        œufs-revenus, jusqu'à l'heure où il les égorgera pour en faire une dîner bien propret-captation d'héritage plutôt qu'un carnage sanglant-cambriolage.

Le monopole de la police est le protecteur d'un racket organisé à l'échelle nationale: le pouvoir politique.        Le pouvoir politique consiste à obliger les individus à payer de force à prix décrétés des services dont ils veulent pas aux conditions imposées (sans quoi la force étatique serait        superflue), plutôt que de les laisser choisir les services auxquels ils tiennent assez pour les payer à prix et conditions négociés. C'est effectivement la définition même du racket. Des        polices privées, n'ayant aucun droit spécial pour violer le domicile d'autrui ni saisir leur bien et leur personne, ne pourraient aucunement faire respecter des fausses lois; elles ne        pourraient pas punir quiconque pour des faux crimes sans victimes, car elles n'auraient la juridiction d'aucune victime à défendre; elles ne pourraient pas imposer des privilèges, monopoles        ou rentes qui n'auraient pas été volontairement accordés à titre individuel à leur client par ceux qu'elles voudraient poursuivre, sous peine d'avoir à faire à la défense organisée par leurs        concurrentes de ceux qu'elles voudraient dépouiller; elles ne pourraient pas intervenir auprès de tiers pour prohiber des relations volontaires entre adultes consentants; elles ne        trouveraient aucun financement en faveur de lois injustes ou improductives dont les coûts dépassent les avantages. L'État, privé de son bras séculier, perdrait son pouvoir de nuisance; il        deviendrait incapable de créer des faux droits, d'opprimer à coups de spoliation légale, ni de faire taire la dissidence par le contrôle subtil des médias.

La police privée, comme le port d'arme, qui en est un cas particulier, relève de l'expression du droit        naturel d'organiser sa propre défense. De même que le droit de se défendre est le garant de tous les autres droits, son contraire, le monopole de la défense, est la source de tous les        monopoles, de toutes les oppressions (8).