• LE CONDITIONNEMENT AU TERRORISME

       

     

    Par Renaud Girard Publié le 22/03/2012 à 17:05Réactions (3)
    Le conditionnement des futurs candidats au terrorisme est minutieusement étudié. D'abord l'endoctrinnement religieux, puis la haine de l'Occident avant la proposition du passage à l'action terroriste.
    Le conditionnement des futurs candidats au terrorisme est minutieusement étudié. D'abord l'endoctrinnement religieux, puis la haine de l'Occident avant la proposition du passage à l'action terroriste.

    C'est au Pakistan, dans les montagnes des zones tribales, que les jeunes exaltés islamistes européens sont endoctrinés et entraînés. Notre reporter raconte.

    «Mais, vous savez, chez moi, dans mes montagnes, il y a même des Français qui s'entraînent à la guerre sainte!» Le visage souriant sous son vaste turban blanc, les mains sagement posées sur le volant de sa Toyota pourrie, Kamal, mon guide-interprète pakistanais, m'avait lancé ça comme en passant, me jetant juste un regard furtif, pour saisir au vol ma réaction. C'était un après-midi brumeux de décembre 2008, et nous roulions ensemble vers un faubourg de Peshawar, où les talibans venaient de réussir une attaque spectaculaire, brûlant tout un dépôt logistique utilisé par l'armée américaine en Afghanistan.

    Pour un journaliste s'intéressant aux zones tribales pakistanaises, ces confins du Raj que les Britanniques n'avaient jamais réussi à soumettre et qu'à leur suite le gouvernement pakistanais avait renoncé à administrer réellement, terres peuplées de farouches Pathans n'appliquant pour tout droit que le pachtounwali, leur ancestral code d'honneur, Kamal était le meilleur contact possible. Il partageait son temps entre Islamabad, où il avait une épouse et deux enfants scolarisés, et Razmek, son village natal, perché dans les montagnes de la zone tribale du Waziristan, frontalière de l'Afghanistan, où il venait de prendre une seconde femme. Un vendredi de février 2002, dans cette bourgade perdue où la police ne pénétrait jamais, il avait entendu Oussama Ben Laden prêcher dans la mosquée. Devant un parterre de chefs de tribu assis en tailleur, le fondateur d'al-Qaida avait exhorté les fiers Pachtouns à embrasser la guerre sainte, afin de «chasser les étrangers infidèles» de leur pays, après que le président Moucharaf eut autorisé les forces spéciales américaines à utiliser les bases militaires pakistanaises.

     

    Utilisation d'armes lourdes, d'explosifs, maîtrise des outils de communication, l'entraînement des djihadistes est très efficace
    Utilisation d'armes lourdes, d'explosifs, maîtrise des outils de communication, l'entraînement des djihadistes est très efficaceCrédits photo : AFP/AFP

     

    Depuis cette date, Kamal n'avait plus jamais revu ni même entendu parler du cheikh Oussama. Il ignorait ce qu'il était devenu, mais, en revanche, il avait été le témoin de la réorganisation, au Waziristan, des talibans et de leurs alliés djihadistes arabes, après qu'ils eurent été chassés de l'Afghanistan voisin par les troupes américaines. Dès le mois de décembre 2001, tous les camps d'entraînement d'al-Qaida en Afghanistan avaient été démantelés. Beaucoup de combattants musulmans internationalistes - la plupart arabes mais aussi quelques Ouzbeks et Indonésiens - avaient été tués, ou capturés, puis envoyés à Guantánamo. La réorganisation des forces talibanes et des cellules djihadistes avait été longue et difficile. Mais, dès l'année 2005, les sectateurs d'Oussama et du mollah Omar avaient réussi à reconstituer leurs forces. Utilisant les zones tribales comme un sanctuaire, les talibans se mirent à lancer des attaques de plus en plus meurtrières contre les troupes de l'Otan déployées dans les provinces afghanes.

    Les combattants islamistes internationalistes mirent du temps à revenir s'entraîner sur les contreforts de l'Hindu Kuch. En effet, l'Irak, envahi par les Américains à partir de mars 2003, avait constitué pour eux la région prioritaire de leur djihad global. Mais la guerre civile entre sunnites et chiites qui y avait éclaté trois ans plus tard avait rendu les choses confuses. Dès 2007, la Mésopotamie, de mieux en mieux contrôlée par les forces américaines, perdit sa qualité de paradis du djihad. Pour s'entraîner au combat, les montagnes séparant le Pakistan de l'Afghanistan offraient de bien meilleures conditions. A partir des attentats de Madrid - qui eurent pour conséquence la décision du gouvernement espagnol de retirer son contingent d'Irak -, al-Qaida comprit tout l'intérêt qu'il y avait à organiser des attentats spectaculaires dans les pays européens alliés de l'Amérique. Les djihadistes arabes porteurs de passeports européens devinrent dès lors de très précieuses recrues pour l'organisation terroriste.

     

    Les films sont largement utilisés pour conditionner les nouvelles recrues venant d'Occident.
    Les films sont largement utilisés pour conditionner les nouvelles recrues venant d'Occident.

     

    Il y a plusieurs phases dans le conditionnement d'un candidat à l'action terroriste. Qu'ils aient été ou non recrutés par une filière, les jeunes exaltés islamistes vivant en Europe s'envolent habituellement pour Peshawar sans plan préétabli. Ils souhaitent juste «faire quelque chose de leur vie» et sont fascinés par ces Pachtouns, pieux musulmans en sandales, qui tiennent tête à la plus puissante armée de la planète. A leur arrivée sur le sol pakistanais, ils sont immédiatement transportés vers les zones tribales, où ils sont accueillis dans une maison dépendant d'un chef taliban. Les hommes y vivant multiplient les amabilités à leur égard, sans rien leur demander en échange. C'est la vie simple et fraternelle de l'islam, ponctuée par les cinq prières de la journée. Les premiers cours qu'ils reçoivent ne sont destinés qu'à parfaire leur éducation religieuse. Puis, subtilement, petit à petit, on passe à la phase de conditionnement psychologique. La soirée est consacrée au visionnage de vidéos sanglantes, relatant «es massacres» d'innocents civils musulmans par les armées infidèles (femmes et enfants déchiquetés par les attaques des drones américains dans les zones tribales, mais aussi familles palestiniennes victimes des bombardements israéliens sur Gaza). A force de voir ses camarades de chambrée partir pour des actions commandos en Afghanistan, le djihadiste européen finit par demander de pouvoir y participer.

    Un meurtre odieux dans la stricte ligne idéologique de Ben Laden

    C'est alors qu'intervient le chef taliban: il dit apprécier la générosité de l'offre, mais refuse en raison de «l'inexpérience militaire» du musulman européen. «En revanche, si tu tiens réellement à être utile à notre cause, il y a un gros sacrifice qu'on peut te demander. Mais on comprendrait très bien que tu refuses, personne n'est forcé à devenir un héros, et nous resterions très bons amis.» C'est à ce moment-là que l'exalté mord ou pas à l'hameçon. S'il accepte de devenir un martyr, sa préparation militaire commence immédiatement.

     

    Une base d'entraînement dans les montagnes des zones tribales entre Afghanistan et Pakistan.
    Une base d'entraînement dans les montagnes des zones tribales entre Afghanistan et Pakistan.

     

    Combien de candidats à l'action terroriste ont-ils renoncé au dernier moment? Sans doute beaucoup, dans la mesure où les attentats sur le sol européen restent rarissimes. La police allemande estime que quelque 70 musulmans porteurs de passeports de la République fédérale sont partis depuis quatre ans au Pakistan pour s'entraîner au djihad. Le MI5, service de contre-espionnage britannique, a intercepté un certain nombre de communications téléphoniques suspectes entre le Waziristan et des musulmans d'origine pakistanaise résidant en Angleterre.

    Mais peu importe, pour al-Qaida, qu'il y ait des «pertes en ligne» dans le recrutement de ses djihadistes européens. L'important, pour l'organisation, est qu'un attentat réussisse de temps à autre et que son impact médiatique soit maximal. Les assassinats de Montauban et de Toulouse constituent un grand succès pour al-Qaida. C'est d'abord un régiment parachutiste ayant servi en Afghanistan qui a été frappé. Les enfants juifs? Ce meurtre odieux est dans la stricte ligne idéologique de la guerre qu'Oussama Ben Laden avait déclarée publiquement, à l'été 1998, «aux Juifs et aux Croisés». Car, dans l'interview qu'il avait donnée à ABC News, le cheikh saoudien avait tenu à préciser que les civils innocents ne seraient pas épargnés...                                                                                                                    « Le Juif français est le punchingball de proximité des antisionistes » (Raphaël Delpard)

    Mohamed Merah est donc mort. Il a fini comme Khaled Kelkal, autre terroriste islamiste franco-algérien, abattu par les forces de l'ordre le 29 septembre 1995 à Vaugneray dans un échange de coups de feu meurtrier. Le parallèle entre les deux hommes est saisissant. La même origine, le même âge, le même parcours délinquant précoce et chaotique, le même entrainement dans des maquis islamistes à l'étranger et le même mode opératoire, au début, en commençant par des assassinats ciblés. Une question se pose à laquelle nous avons la réponse mais dont on ne semble pas tirer toutes les conclusions : Sont-ils nés « islamistes » ? La réponse est non, bien évidemment, mais il convient d'ajouter immédiatement que, comme tous les combattants djihadistes, ils sont nés dans la culture islamique. Ils ont été élevés dans les « valeurs » de l'Islam. Et très curieusement, rares, sont ceux qui poussent le raisonnement plus loin. Oui l'Islam a des « valeurs ». Le grand penseur israélien Yeshayahou Leibowitz disait fort justement d'une façon quelque peu iconoclaste : « Hitler avait d'excellentes valeurs mais je ne les partage pas ... ». Il n'existe pas, même si on peut s'en offusquer, de valeurs universelles.  Les valeurs sont relatives, ni « bonnes », ni « mauvaises ». Elles correspondent à la cohérence d'un système de pensée auquel chacun de nous participe, compte tenu de son histoire personnelle et collective. Toute l'Histoire de l'humanité est le récit dramatique de la confrontation de celles-ci.
    Le fait d'être « musulman » n’entraîne pas obligatoirement le basculement dans la délinquance, le fanatisme religieux et le crime barbare. Nous avons enterré deux paras musulmans fidèles serviteurs de leur patrie et devons-nous le redire encore et encore : si admirable et tragique fut l'engagement de milliers de musulmans pour l'Algérie française…
    Mais ces éléments patriotes en France ou dans tout autre pays et que nous devons aimer et honorer sont l'illustration parfaite en mathématiques de la « courbe de gauss ».  Quand nous calculons une moyenne, c'est que nous avons constitué un échantillon et que nous cherchons à avoir une grandeur unique représentative de tout  notre échantillon : par exemple le rapport à la violence d'une classe d’âge dans une communauté.
    Si notre échantillon suit la "loi normale"  68% environ des jeunes musulmans ont  une attitude neutre c'est à dire qu'ils se trouvent  « dans le haut » de la courbe de Gauss. Mais aux deux extrémités nous aurons, d'une part, une minorité de patriotes engagés et, d'autre part, une minorité de Djihadistes. Minorité mais minorité incompressible.  Or là où tout se complique, c'est lorsque la violence dépasse un certain seuil. À ce moment la majorité « neutre » peut « pencher » d'un côté ou de l'autre et les exemples historiques nous prouvent alors que le réflexe communautaire et identitaire jouant à fond, c'est du côté des djihadistes que le majorité bascule (Algérie, Tchétchénie, Afghanistan, Bosnie, Kosovo etc...).
    Tout le travail des fondamentalistes consiste donc à faire monter le taux de violence et de tension pour provoquer ce fameux phénomène d'identification (on annonce à cette heure des rassemblements spontanés « hostiles » dans la cité de Mohamed Merah).
    Les Djihadistes connaissent parfaitement ces phénomènes. Comme tout salafiste Merah jouait sur plusieurs tableaux. Il pouvait, en attendant, « faire la fête », se montrer voisin serviable, boire de l'alcool et même manger du cochon (c’est d'ailleurs le conseil donné dans les camps de formation). Puis comme il l'expliqua à la directrice de France 24 « pouvoir frapper au moment où le réseau est constitué, où les armes sont à disposition et où la situation politique est favorable ». On peut alors, de même qu'en Espagne, le 11 mars 2004, au moment d'élections, ressortir les sujets clivant sources de douleurs et de tensions comme le voile islamique, l'engagement armé dans des pays musulmans et le problème palestinien.
     
    À ce moment on réactive les connexions avec le banditisme tout en se conditionnant pour agir avec la pire des cruautés. On peut ainsi rappeler ici que Yacef Saadi et « Ali la Pointe », chefs des réseaux bombes pendant la Bataille d'Alger étaient de jeunes proxénètes travaillant avec leurs lots de prostitués ou de jeunes femmes « sous contrôle ». Le processus est identique : agents dormants ayant carte blanche pour frapper quand ils veulent, où ils peuvent et au moment qu'ils jugent opportun.
    Leur but est moins de tuer que de provoquer le basculement de la population désignée comme devant être soumise à leur vision idéologique. C'était le raisonnement qui provoqua les massacres volontairement abominables et barbares de civils du Constantinois des 20 et 21 août 1955. Depuis, cette action a été théorisée par les Djihadistes. Elle est présentée comme exemplaire politiquement, idéologiquement et militairement.
    Leur morale et la nôtre…
    Ainsi la présence massive de masses musulmanes pose un problème de sécurité important. Soyons clair, une fois encore, les individus ne demandent qu'à vivre tranquillement mais tolérer sur nos sols des provocateurs qui ne songent qu'à nier le musulman comme être autonome, qu'à le sortir de sa sphère privée pour l'obliger à entrer dans une fourmilière et à abandonner son libre-arbitre est une faute impardonnable pour les dirigeants de nos pays. Il faut frapper de manière « chirurgicale » mais impitoyablement quelques coupables pour sauver la majorité des innocents.
    C'est une problématique où le temps est un facteur décisif. Le passage du sacré dans le domaine du profane et de la laïcité est en train d'opérer en Islam comme partout. C'est précisément pourquoi la violence islamique est de plus en plus féroce. Nous vivons des moments historiques intenses, le chaudron bout, la folie ne demande qu'à prendre tous les pouvoirs. Alors partout, je dis bien partout, il nous faut soutenir les musulmans laïques qui sont les premiers massacrés.
    Une fois de plus, les manipulations américaines pour mendier de l'énergie et en priver la Chine dans une guerre qui ne dit pas son nom ne nous concerne en rien. Ouvrons les yeux ! Arabie Saoudite, Qatar, Pakistan et autres émirats peuvent bien périr.  Défendons nos enfants ! Leurs vies valent mieux qu'un baril de pétrole non ?

     

     

     


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