Jeudi soir, cinq jeunes ont été interpellés à Béthune, dans le Pas-de-Calais pour avoir
voulu «chasser»
avec des armes des faux clowns agressifs. Ils ont été arrêtés en possession d'une
batte de base-ball,
d'une matraque télescopique, d'un poing américain, d'un marteau et d'une bombe
lacrymogène.
Cet épisode est un énième rebondissement de l'affaire des faux clowns où réalité
et fiction se
confondent aisément. Quelques jours plus tôt, dans la même ville, un jeune homme
de 19 ans
qui s'était déguisé en faux clown a été condamné à 6 mois de prison avec sursis
pour avoir terrorisé
des passants en brandissant un bâton ressemblant à un long couteau. De ce simple
fait divers est
née une psychose dans le département.
Les actes du jeune homme et les récits exagérés qui en ont découlé ont conduit
les Béthunois à
une grande inquiétude. Dans le département, 27 signalements de clowns agressifs
ont ainsi été faits
dans la journée du jeudi 16 octobre, 26 pour le vendredi 17, avant que le phénomène
ne décroisse.
Les pages facebook recensant des «témoignages» d'agressions par des clowns et
diffusant des photos
aux origines obscures permettent à l'inquiétude de se propager.
U ne liste de villes hypothétiquement concernées par la présence de faux clowns
«où il ne faut pas se promener seul» circule par exemple. Chez les voisins
du Pas-de-Calais,
une vingtaine d'appel ont été passés au 17 pendant la journée du 17 octobre
poussant la préfecture
et la police à passer un avertissement sur les réseaux sociaux.
A Péronne (Picardie), deux clowns ont été arrêtés le 16 octobre pour avoir
effrayé des passants
dans le centre-ville, selon le Courrier Picard. Ici, c'est à l'aide d'un marteau
et d'un couteau factice
que ces clowns officiaient, dans un supermarché. A Périgueux (Sud-Ouest),
le 10 octobre,
un ado de seize ans déguisé en clown était arrêté après avoir effrayé
en brandissant un couteau en plastique sous son nez, avant de la suivre
jusqu'au gymnase
où elle se rendait. En Alsace, les signalements se sont multipliés dans la
région de Mulhouse et d'Altkirch.
«Le clown a toujours porté en lui cette dualité entre
humour et horreur»
L'origine du phénomène n'est pas précisement connue. «C'est une mauvaise
plaisanterie
qui a démarré sur les réseaux sociaux», a expliqué Didier Perroudon, directeur
de la sécurité publique du Nord.
D'autres évoquent aussi un défi à la Ice Bucket Challenge, où les adolescents
se défieraient les uns les autres
pour aller faire le faux clown. Facebook regorge en effet de pages sur les faux
clowns, mais elles sont présentées
comme des pages «d'information», pas de défi. Pour les force de police du Nord,
il s'agit d'une mauvaise
blague qui «a eu un effet d'entraînement», indique Thierry Alonso, directeur de la
sécurité publique
du Pas-de-Calais. Ainsi à Guiguamp, Aziz Ouada
a délibérement expliqué auprès du Télégramme s'être déguisé
en faux clown, avoir poursuivi des passants avec une fausse tronçonneuse
et filmé en train de le faire car...
«c'est ce qui marche sur Internet.»
L'utilisation de la figure du clown est pour beaucoup dans le succès
de la vidéo d'Aziz Ouada.
Des hommes brandissant des armes factices avec un simple masque
uni ne feraient pas autant parler d'eux.
Le clown fait écho à tout un imaginaire. «Le clown est une figure majeure
de la culture populaire,
explique Pascal Froissart, spécialiste de la rumeur. Le clown a toujours
porté en lui cette dualité entre humour
et horreur. Il nous fait rire par l'absurde, ce qui est proche de la folie,
de l'irrationnel. C'est une figure inquiétante,
qui appartient aussi bien à l'imagerie de l'enfance que des films d'horreur»,
analyse le spécialiste. Au 19e siècle,
le clown et mime anglais Joseph Grimaldi, le premier à arborer le célèbre
maquillage rouge et blanc,
souffrait de dépression et de problèmes d'alcool, et avait perdu son épouse
et son fils. Plus récemment,
c'est le visage terrifiant du clown de It, la série télévisée tirée du best-seller
de Stephen King,
qui a marqué les esprits. En 1990, le personnage aux dents pointues,
qui vit dans les égoûts et attire
les enfants grâce à des ballons colorés, finit d'assombrir la figure du clown,
tout comme le Joker de Batman.
L'histoire vraie d'un tueur en série américain surnommé le «clown tueur»
a aussi, probablement contribué
à attiser les peurs. Arrêté en 1979 dans l'Illinois, John Wayne Gacy avait
l'habitude de se grimer en clown
pour divertir les enfants dans les hôpitaux. Il fut condamné
pour le meurtre de 33 hommes.